FLORENCE ARNOLD

En dépit de la diversité des courants esthétiques actuels, le statut du corps demeure au cœur des préoccupations de bien des peintres. Chez Florence Arnold, ce sont des corps féminins solitaires, en groupe ou accouplés, dilués dans les configurations effritées d’une substance tour à tour souple et ramassée, qui profilent leur effigie dans un décor plutôt blafard. Néanmoins, cet environnement sensuellement incarné, n’a rien à voir avec les « zones neutres » évoquées par Foucault, en ce qu’il sécrète des espaces d’incertitude ourlés de dérèglements organiques.

Car ici, pas de figure intacte. Les corps se déclinent à travers les turbulences d’une matière tremblée, ou la houle brassée des forces conductrices, ne laisse percevoir que l’essentiel de leur ossature, en d’autres termes, leur tournure analogique plus que narrative.

Ainsi, en action où au repos, lointaines ou apaisées, énigmatiques ou aguicheuses, mais sans perversité, ces présences strictement féminines, quand leur nudité ne fusionne pas avec le corps de l’autre, sont à l’égal des visages, le réceptacle des comportements intimes et des sentiments humains.

Par conséquent, généralement harmonieux, parfois comme en surimpression, ces corps en suspens bousculés dans leur intégrité, ne se livrent que par fragments, à l’aune du regard qui les cible, parce que la représentation est toujours simultanément une projection. Désormais, le modèle n’affiche plus son entité mais sa réminiscence. C’est la raison pour laquelle il se tient dans un état d’effacement partiel. L’image est alors une émergence, une explosion de formes et de couleurs synthétisées, contrôlées dans leur course par une main pensante. Pourtant, même si ces anatomies font la part belle à la séduction, on ne saurait les enclore dans un univers innocent, à l’heure où prédomine la précarité de l’homme prisonnier de ses peurs et de sa solitude. Par ailleurs, ces créatures ondoyantes noyées dans le flux de contrastes chromatiques essaimés de coulures, de striures et de collages, réverbèrent une problématique du désir, où l’érotisme est à fleur d’épiderme. Mais outre les symboles charnels, ce qui importe, c’est la manière dont la pesée de la sensation émise, s’intègre au sein de l’architecture du support.

Prise en charge par l’alacrité d’un geste fusant, fédérateur d’arrachements charnels, s’impose une expression à vif, proche de la famille expressionniste.

Une famille à laquelle s’apparente son écriture, tant par son aspect charnel et convulsif, que par son renvoi constant au siège de la figure. Car telle est bien la dominante de cette tendance inquisitrice, qui n’en finit pas d’afficher son mal être, en dévoilant la face cachée de l’humain.

Par conséquent, la démarche de Florence Arnold participe légitimement de cette filiation intemporelle, en rejoignant ses grands aînés Valdes Leal, Goya ou Satine, et plus prés de nous Bacon ou Saura, en passant par Lindstrom ou Christoforou.

De la sorte, à partir d’un trait parfaitement maîtrisé et d’un renoncement à la profusion, les antagonismes entre un idéal magnifié et l’impact contenu des sommations gestuelles, enclenchent une complémentarité qui prolonge les tropismes du corps régissant à son milieu.

On l’aura compris, tout dans ces périmètres cloîtrés repose sur la dualité douceur et virulence. Et au-delà d’une histoire personnelle et des interprétations psychanalytiques ou sémantiques, Florence Arnold nous dit un monde issu de son être profond, qui nous prend et nous tient, homme, terre, corps et esprit. Un monde à son image à la fois âpre et tendre comme la vie.

 

GERARD XURIGUERA